La honte est une émotion intime et silencieuse. Elle est ce feu que l’on cache derrière un sourire et nous brûle sans jamais se dire. Elle agit souvent dans l’ombre de nos comportements, influençant nos relations, nos choix et notre rapport à nous-mêmes. Mais il y a des chemins vers la réconciliation intérieure.

Deux lectures d’une même expérience

La psychologie reconnaît la honte comme une blessure à réparer, comme une émotion douloureuse liée à la peur du rejet, du jugement ou de la faute morale. Elle naît à travers une relation : un regard empreint de jugement, une critique, une comparaison avec les normes sociales, une impression de ne pas répondre aux attentes ou aux standards.

De manière traditionnelle en psychologie, la honte internalisée est vue comme toxique parce qu’elle entraine le sentiment d’être défectueux, inadéquat. Elle touche alors l’ancrage identitaire.

Selon l’approche de psychologie évolutionnaire, la honte est comprise également comme un stigmate émotionnel mais aussi comme un indicateur d’évolution de la conscience. Elle invite à considérer la honte non pas comme un fardeau à porter, mais comme une porte vers une conscience plus entière de soi.

La psychologie évolutionnaire met l’emphase sur l’impression elle-même, comme la source qui interfère avec l’être. Cette impression est vue comme une tension en inadéquation avec le champ d’énergie de l’être. Le sentiment d’être inadéquat n’est pas relié à l’émotion mais à la perturbation du champ.

Ainsi, les approches en psychologie se complètent. Alors que l’une favorisera le développement de la résilience, la réparation qui peut aller jusqu’à une guérison ; l’autre privilégiera une transformation de la conscience et permettra une libération, un réalignement de l’être par rapport à lui-même.

La confusion de l’identité

Brené Brown l’a bien résumé : « La honte est secrète, silencieuse et jugée ». Le travail thérapeutique consiste alors à « ramener la parole » « restaurer le lien » et « déconstruire les croyances » qui enferment. Par la compréhension, la bienveillance et la réintégration émotionnelle, la personne retrouve sa valeur et sa place.

Quant à la psychologie évolutionnaire, elle part de la même prémisse selon laquelle la honte muselle l’identité ; c’est le passage où notre être se contracte pour ne pas se reconnaître dans sa pleine clarté. Or pour la psychologie évolutionnaire, l’identité n’est pas considérée comme un comportement (behaviorisme), mais comme l’essence par où se déclenche le champ d’action de l’existence. La honte serait ainsi une tension intérieure entre deux niveaux de conscience. La guérison se joue entre « se croire encore défectueux» et « savoir que je ne le suis pas », donc avoir conscience de «savoir qui je suis».

Une panoplie de solutions thérapeutiques

L’accompagnement en psychologie passe par une évaluation de la honte : ses déclencheurs, son histoire, les croyances engendrées, les modes d’adaptation développés. Puis un travail thérapeutique, qui variera selon les approches, sera proposé. Par exemple, certains iront vers une restructuration cognitive et une exposition pour une désensibilisation. D’autres encourageront le retour à l’enfance afin d’en découvrir les racines, amener l’expression, favoriser l’émergence de la douleur, pour la traverser en conscience et s’en libérer. D’autres mettront l’accent sur le moment présent, la pleine conscience des sensations liées à la honte, le détachement de l’histoire et la régulation du système nerveux. Quoiqu’il en soit, le climat thérapeutique en sera un de respect, d’accueil et de bienveillance, ce qui apparait comme une nécessité pour modifier les empreintes relationnelles d’origine liées à la honte.

En psychologie, pour faire référence à l’évolution des méthodes et des compréhensions de l’humain dans la durée, on parle de vagues (1e, 2e, 3e, 4e).  Les première et deuxième vagues (psychanalyse, TCC, humanisme) visent à traiter les comportements et les blessures. Les troisième et quatrième vagues (acceptation, compassion, pleine conscience, neurosciences) ont apporté la présence, l’ouverture et la régulation du système nerveux.

La psychologie évolutionnaire qui peut inclure les 4 premières vagues, pourrait-elle aussi être envisagée comme une « cinquième vague » dans la continuité des approches ?

L’accompagnement thérapeutique de la psychologie évolutionnaire contribue à l’effacement de l’impression que ce soit celle du rejet, du jugement, de la peur. L’émotion n’est plus une souffrance, elle devient une clé de transmutation qui permet à la tension de ne plus interférer dans l’être.

Ce mécanisme de correction produit un réalignement de l’être avec son essence. De là émerge un « témoin intérieur » qui permet à la personne de se repositionner dans son axe créateur puis de recadrer, sur le plan cognitif, l’impression d’être soi ou de réellement être soi. Ainsi la honte n’a plus de possibilité de mettre l’identité sous tension, elle se transforme en force de lucidité et d’humilité.

En chaque humain se cache un sentiment de honte plus ou moins prégnant. Il rappelle celui de l’archétype de notre histoire Occidentale, la honte originelle liée au péché d’Adam et Ève. L’origine de la honte est souvent lointaine et pourtant, pour chaque humain, ce sentiment peut être réparé, guéri, transcendé.